This ain't a scene, it's a god damn arms race.

Aleksandr réajusta ses fausses lunettes de marque et but sans plaisir une gorgée de sa Corona tiède. Cela faisait bientôt 2 heures qu’il était là, le cul sur le béton, guettant les passants en ruminant tout haut ses arrières pensées. Etrangement il n’avait pas encore repéré de victime potentielle aujourd’hui, et le jeune homme commençait à sérieusement s’impatienter.
D’ordinaire cette rue regorgeait de proies faciles : Vieilles désorientées, provinciaux candides, jeunes prudes faciles à intimider…

*J’vais quand même pas rentrer sans rien… *

Au moment même où cette phrase lui effleura l’esprit, ses yeux s’arrêtèrent sur une sublime indienne, seule, avec ce qui semblait être un plan dans les mains, plantée au milieu de la foule avec ses trois valises sur les bras.

*Et bah voilà*

Soudainement motivé, il posa sa bouteille sur le sol et se redressa avec une énergie qui lui valut quelques secondes de carrousel enragé dans le crâne. Il tituba, attrapa de peu le tableau de plats du jour de la devanture de « Chez Mariano » pour finalement se stabiliser sous le regard ahuri d’une famille de Beasts allemands installés à la terrasse.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, la jeune indienne s’était évaporée. Piqué dans son amour-propre, Aleksandr fit volte-face avec la ferme attention d’arrêter les frais pour aujourd’hui lorsqu’il bouscula quelqu’un…

« Rah putain mais vous êtes aveugle ou quoi ? »

Lucas était fatigué, mais il avait décidé de sortir de jour pour quelques courses qui s'imposaient car son frigidaire se vidait. Il n'aimait pas beaucoup le sang, s'interdisait de s'avilir en buvant du sang humain, et mangeait comme tout le monde, ce qui l'aidait grandement à maintenir son identité sécrète. Mais qui en revanche n'aidait pas ses menues économies.
Il marchait alors dans la rue, d'un pas las mais un peu pressé, lorsqu'il se cogna contre un individu qui semblait désorienté et dont l'agressivité et l'impertinence furent toutes deux réunies en cette magnifique phrase prononcée, certainement, dans l'énervement :

« Rah putain mais vous êtes aveugle ou quoi ? »

Cela choqua le jeune Lucas qui n'était d'ailleurs aucunement en faute et qui eut du mal à réaliser qu'il venait d'être ainsi accablé par le même homme qui venait justement de le bousculer.
Le jeune vampire ne se laissa d'ailleurs pas faire et répliqua plus élégamment qu'à son habitude afin de ne pas donner l'impression de perdre la face au moindre choc :

<< Moi non, mais vous vous semblez dans un état bien étrange à défaut d'être aveugle. >>

Et Lucas resta pour ainsi dire "planté" devant son interlocuteur, tout fier de sa réplique, attendant une réponse qui en soit digne. Lui qui n'avait nullement l'habitude de se défendre était très content de sa propre impertinence vis à vis du rustre qui se trouvait en face de lui. Il craignit tout de même d'avoir engendré un accrochage physique duquel il ne sortirait certainement pas vainqueur car son nouveau "rival" lui sembla soudainement bien plus grand que lui.

Aleksandr ramassa ses lunettes de soleil tombées pendant la collision. Il se releva avec un air manifestement très mécontent sans oublier pour autant de recoiffer sa mèche façon playboy, pratique qu’il trouvait d’une élégance rare.
Il jaugea son interlocuteur. Adulescent caucasien châtain aux yeux clairs, d’environ 1m65, mince, traits intéressants, du charme…

<< Moi non, mais vous vous semblez dans un état bien étrange à défaut d'être aveugle. >>

… et de la répartie. Aleksandr n’était pas en mesure de sentir toute magie chez lui avec le flot de passants qui grouillait autour d’eux. Il méprisait les beasts, se méfiait des sorciers, craignait les vampires. A vue d’œil il aurait misé sur « humain » pour celui là. Inoffensif. Une vraie mine d ‘or.
Il découvrit ses belles dents détartrées et balança une tape sur l’épaule du gringalet.

« Aah j’en étais sur !, entreprit-il avec flegme, un beau jeune homme mais non sans intelligence ! Pardonnez mon impolitesse cela fait parti de la procédure. Vous êtes le premier d’une longue lignée qui sait me montrer un minimum d’éloquence. Dites moi vous êtes un arrivant ? Vous cherchez un métier ? Vous avez un nom ? Moi c’est Aleksandr Kusanovski, hôte. »

Il sortit de sa poche arrière une carte de visite avec son n° de téléphone et la tendit au jeune homme. Il laissait toujours une pause après le mot « hôte », histoire de laisser planer le doute sur le-dit métier. Trop de gens mal informés faisaient l’amalgame avec prostitution. Mais après tout un hôte peut aussi être le propriétaire d’une maison d’hôte, ou d’un hôtel de luxe, pourquoi pas même réceptionniste…
Il se demandait déjà ce qu’il allait en faire. L’enrôler comme hôte et toucher un pourcentage de « découverte » sur sa paye ou le vendre à des vampires du Vamp Bar ? Il jubilait.

Aleksandr Kusanovski afficha un sourire enjôleur, et témoigna de son approbation envers le jeune vampire en lui tapotant l'épaule. Puis il se lança dans un court discours de présentation qui aurait fait fuir n'importe quel homme avisé qui aurait compris qu'il avait un escroc en face de lui. Mais Lucas, bien qu'il fut très intelligent, n'était pas sur ses gardes et quand bien même il l'aurait été, il n'avait pas assez d'expérience et était bien trop candide pour différencier un escroc d'un honnête homme. Aleksandr s'exprima avec nonchalance en ces mots :

« Aah j’en étais sur ! Un beau jeune homme mais non sans intelligence ! Pardonnez mon impolitesse cela fait parti de la procédure. Vous êtes le premier d’une longue lignée qui sait me montrer un minimum d’éloquence. Dites moi vous êtes un arrivant ? Vous cherchez un métier ? Vous avez un nom ? Moi c’est Aleksandr Kusanovski, hôte. »

Il fut alors flatté par les quelques mots de son interlocuteur sans y déceler d'arrières pensées et sans imaginer que celui-ci ne voulait en réalité que se servir de lui.
Il sourit alors, plein d'enthousiasme, et s'enorgueillit même d'avoir impressionné un homme qui lui sembla soudainement si admirable et plein d'ingéniosité. Il se dit qu'Aleksandr pouvait lui servir de guide, voire d'ami, et qu'il lui permettrait, d'après ses dires, de trouver un travail. Mais il n'appréciait guère son nom qu'il trouvait imprononçable, il s'empresse d'ailleurs de le lui dire. Ses premiers mots furent donc prononcés sans beaucoup de réflexion préalable.

« Monsieur, ce que vous me dites est très aimable, mais je ne peux m'empêcher de vous faire remarquer que votre nom est très étrange, et qu'il est imprononçable. »

Mais Lucas se rendit vite compte qu'il n'était pas d'usage de critiquer le nom des personnes qui vous proposent un travail et qui vous flattent. Il reprit alors, plus calmement.

« Veuillez excuser cette remarque impertinente, c'est que je n'ai jamais entendu un tel nom et qu'il me surprend beaucoup. (en réalité cela lui faisait penser aux noms étranges qu'il était coutume de donner aux vampires de son village) Mon nom est Lucas Godwin, je suis en ville depuis seulement quelques jours et en effet, je recherche un travail. Vous me semblez aimable, et instruit sur cette ville, c'est pourquoi j'aimerais, si vous le voulez bien, m'en remettre à vous. Je serai certainement un poids au début car je suis pauvre et peu expérimenté, en quelque domaine que ce soit... Cela dit j'apprends vite et je suis certainement plus motivé et obéissant que n'importe quelle créature de cette ville. »

Sur ces mots, Lucas baissa la tête en signe de respect, et tendit la main, attendant que son interlocuteur la prenne en signe de marché conclut. En approchant sa main d'A. il sentit un flux magique assez fort, et se demanda s'il ne venait pas de commettre une erreur... Cependant il maintint sa main tendue et son regard fixe de jeune adolescent convaincu...

« Monsieur, ce que vous me dites est très aimable, mais je ne peux m'empêcher de vous faire remarquer que votre nom est très étrange, et qu'il est imprononçable. »

* Pardon ? Imprononçable ? Ku-sa-no-v-ski, 10 lettres, 4 syllabes, c’est imprononçable pour toi sale roturier ? L’école c’est facultatif maintenant ? *
Mais le sourire d’Aleksandr ne diminua pas. Il s’apprêtait à répondre mais il fut prit de court par le jeune garçon.

« Veuillez excuser cette remarque impertinente, c'est que je n'ai jamais entendu un tel nom et qu'il me surprend beaucoup. Mon nom est Lucas Godwin, je suis en ville depuis seulement quelques jours et en effet, je recherche un travail. Vous me semblez aimable, et instruit sur cette ville, c'est pourquoi j'aimerais, si vous le voulez bien, m'en remettre à vous. Je serai certainement un poids au début car je suis pauvre et peu expérimenté, en quelque domaine que ce soit... Cela dit j'apprends vite et je suis certainement plus motivé et obéissant que n'importe quelle créature de cette ville. »

Aleksandr saisit vigoureusement la main tendue de l’adolescent. Certainement le pigeon de l’année.

« Je suis russe, d’où la consonance peu commune.»

Il baissa légèrement la tête à son tour. Son cerveau chauffait à blanc. Il ne pouvait se permettre de le laisser s’échapper sans en tirer un profit maximum. D’abord il irait au Vamp Bar pour tenter de trouver un acheteur potentiel. Il avait besoin d’argent. Puis il irait manger des pâtes, ou peut-être un steak chez…
Son regard s’arrêta sur la grande horloge du boulevard. Trois heures moins le quart. Il leur faudrait bien une heure et demi pour arriver au Vamp’ avec tout ce monde.

« Et bien mon cher Lucas j’ai une chance inouïe de tomber sur vous, j’avais justement besoin d’un partenaire de business. Vous verrez, ce que je vous propose ne nécessite pas de qualifications précises, juste du talent. Que diriez-vous d’en discuter autour d’un verre ? Je connais un endroit charmant où nous serons accueillis comme des princes… »

Et c’est le cas de le dire. Une chair jeune et ferme comme la sienne. Ce serait presque dommage. Mais les affaires sont les affaires.

Kusanovski serra la main de Lucas, et celui-ci s'en réjouit beaucoup. Le jeune homme lui dit qu'il était russe pour expliquer l'étrangeté de son nom. Lucas repensa à son prénom d'origine, il aurait tant aimé se livrer à cet homme, tout lui expliquer ! Mais c'aurait certainement tout gâché, tous ses efforts pour le cacher !

Lucas était perdu dans ses pensées lorsqu'il fut interrompu par Aleksandr :

« Et bien mon cher Lucas j’ai une chance inouïe de tomber sur vous, j’avais justement besoin d’un partenaire de business. Vous verrez, ce que je vous propose ne nécessite pas de qualifications précises, juste du talent. Que diriez-vous d’en discuter autour d’un verre ? Je connais un endroit charmant où nous serons accueillis comme des princes… »

Lucas se réjouissait à nouveau, à l'idée d'entrer dans un bar, de découvrir enfin la ville, la VIE !! Il sourit à son interlocuteur, il se montrait très enthousiaste. Ni Lucas ni Aleksandr étaient près d'imaginer ce qui se passerait une fois arrivés dans le bar : A. ne savait pas que L. était un vampire et L. ne savait pas que A. comptait l'emmener dans un bar de vampires !

L'adolescent prit un air sérieux légèrement exagéré et répondit à Kusanovski :

« Eh bien, monsieur, je serai ravi d'aller dans ce bar avec vous, je n'ai rien à faire aujourd'hui. Je suis surpris que vous désiriez faire appel à moi pour votre business mais j'en suis ravi ! Mais je n'ai jamais mis les pieds dans un bar ... »